dimanche 20 mars 2011
Le budget Bachand
Raymond Bachand a présenté jeudi dernier le budget du gouvernement du Québec. il n'y a pas de surprise majeure, mais de nombreux aspects méritent d'être analysés. La situation financière du Québec continue d'être précaire.
Le déficit du budget
Soulignons en premier lieu que le budget n'est toujours pas équilibré et que le déficit prévu s'élèvera à 3,8 milliards de dollars. Par contre, le ministre Bachand garde le cap sur le retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014, mais on peut grandement en douter. Il va falloir couper radicalement dans la fonction publique ou augmenter fortement les taxes et les tarifs pour y arriver. En effet, cette année, le gouvernement n'a pas profité de la croissance économique plus élevée que prévue, car il n'a que limité la croissance des dépenses à 3,7 %, malgré des "efforts" de l'appareil étatique. Évidemment, l'Alliance sociale s'oppose au retour à l'équilibre budgétaire car elle craint des coupures dans la fonction publique. Ce groupe est préoccupé par tous les principes d'équité, sauf l'équité intergénérationnelle. J'y reviendrai plus tard en commentant les hausses des cotisations à la Régie des rentes du Québec.
Portrait de la situation financière du Québec
La dette québécoise est maintenant de 234 milliards de dollars. Les syndicats traitent souvent ceux qui la soulignent d'alarmistes, mais elle représente maintenant quand même 110 % du PIB annuel du Québec, si on tient compte de la part du fédéral, ce qui fait de la province la cinquième"nation" la plus endettée du monde industrialisé. Parmi les quatre premières figure la Grèce, qui est à toute fin pratique en faillite technique. Le service de la dette (c'est-à-dire le paiement des intérêts de la dette) est le troisième poste budgétaire en importance, (10,1 % en 2010-2011), les deux premiers étant la Santé (47,5 %) et l'Éducation (25,4 %). Ajoutons l'argent de la péréquation qui provient du reste du Canada (essentiellement de l'Ouest), et le Québec serait en faillite technique s'il sortait de la fédération. Voilà un argument de plus à donner à Gilles Duceppe pour ne pas se séparer!
Équité intergénérationnelle
Le ministre n'avait pas le choix de bonifier les cotisations à la Régie des rentes, me direz-vous. C'est vrai. De 9,9 %, les cotisations passeront à 10,8 %. Au rythme auquel nous allions, la caisse allait être à sec en 2039. Ce changement permettra de gagner quelques années, mais ce n'est pas suffisant. Il faudra probablement les augmenter encore une fois dans quelques années. Toutes les calculs actuariels vont dans ce sens : vieillissement de la population, réduction du nombre de travailleurs, augmentation de l'espérance de vie, taux de natalité peu élevé. Il aurait quand même fallu commencer il y a environ dix ans, pour obtenir un semblant d'équité intergénérationnelle. Car en bonifiant ces cotisations, ce sont presque uniquement les travailleurs des générations X et Y qui devront les assumer. En effet, une bonne partie des baby-boomers ont déjà pris ou prendront leur retraite prochainement.
D'autre part, les frais de scolarité seront bonifiés de 325 dollars par session sur cinq ans. Je vois globalement d'un bon oeil cette nouvelle, car ces hausses permettront de rattraper la moyenne canadienne, qui est de 4 917 $ par année, tandis qu'elle s'établit à seulement 2 272 $ au Québec. Les universités ont un grave problème de sous-financement, et les hausses devraient leur permettre de respirer un peu. Cependant, elles s'ajoutent au poids de la prochaine génération, qui devra assumer les hausses des cotisations à la RRQ, des taxes et des tarifs de toutes sortes.
Des mesures
Pour corriger les problèmes financiers du Québec, le gouvernement annonce des mesures, que certains qualifieront de mesurettes. Tout d'abord, il va chercher plus d'argent en imposant des redevances gazières jusqu'à 35 pour cent à l'industrie du gaz de schiste. Ensuite, la TVQ sera haussée, en plus de l'arrivée de la taxe santé. Ces mauvaises nouvelles pour les contribuables ont été annoncées lors du budget précédent.
Par ailleurs, pour garder plus d'employés au travail, le gouvernement incitera les travailleurs de plus de 65 ans à retarder leur retraite en leur octroyant un crédit d'impôt, et il pénalisera ceux qui prennent leur retraite avant l'âge de 65 ans. C'est évidemment une bonne idée, mais encore une fois, le gouvernement est 10 ans en retard, car une bonne proportion de baby-boomers auront déjà pris leur retraite lorsque ces mesures entreront en application.
D'autre part, pour remédier au faible taux de natalité, le gouvernement annonce 15 000 nouvelles places en garderies. Elles n'ont toutefois par encore été détaillées.
C'est connu, les Québécois n'épargnent pas suffisamment. Le gouvernement a donc annoncé un régime volontaire d'épargne retraite, qui favorisera l'épargne, espère-t-il. Encore une fois, ce n'est pas une mauvaise idée en soi, mais il faudra voir si le jeu en vaut la chandelle. Ce genre d'encadrement engendre toujours des coûts astronomiques pour l'État. Il serait beaucoup plus simple de réduire les taxes et les impôts pour augmenter l'épargne des ménages.
Le Plan Nord
On l'attendait depuis plus de deux ans, ce fameux Plan Nord! On commence maintenant vaguement à savoir ce dont il s'agit, mais c'est un projet à très long terme. Il se résume à quelques expressions : développement du Nord, ressources naturelles, construction de route et autochtones. Ne m'en demandez pas plus!
mardi 8 mars 2011
lundi 7 mars 2011
Spécial sur la Journée de la femme
En cette Journée internationale de la femme, puisque je ne suis pas doté des attributs physique féminins, j'ai pensé faire appel à deux générations de femmes pour discuter de la situation du féminisme en 2011. Tout d'abord, Pascale Lepage, de la génération X, s'exprime sur les aspirations de ses congénères, puis Gaétane Chabot, de la génération des baby-boomers, rapporte l'histoire du féminisme telle qu'elle l'a connue.
Ne vous gênez pas pour commenter les deux points de vue!
Je me souviens... du féminisme
Par Pascale Lepage
Emblématique de ma génération, de mon époque, je suis indécise, ambivalente; j’ai le nez qui voque. C’est ce qui me frappe quand je réfléchis au féminisme à l’approche de la journée de la femme : d’emblée, je ne sais même pas moi-même ce que j’en pense. Un discours arriéré ? Un débat passé, déjà réglé ? C’est que ce n’est pas notre guerre, c’était celle de nos mères, répondrais-je si je ne réfléchissais pas plus loin que le bout de mon nez. Mais en y pensant bien, cette réponse est précisément le danger qui pend au bout de ce nez pas si fin, un danger qui s’accorde bien avec les autres menaces qui guettent une société qui contemple ses acquis en se croyant avancée et qui a envie de reculer. Or, de mon point de vue de femme (n’ayons pas peur du rose), socialement comme en amour, prendre pour acquis est fort risqué.
J’ai un reproche à adresser à cette société dont je fais partie : celui de n’adopter qu’ironiquement la devise « Je me souviens ». De quoi se souviennent les Québécois qui veulent tout privatiser pour payer moins d’impôts, qui aiment mieux payer des assurances parce que Jeff Fillion leur a dit que c’était une bonne idée, qui veulent imiter les politiques des Américains parce qu’eux autres, ils l’ont l’affaire, ils think big, sti ? Ont-ils déjà oublié leur frère mort parce que le soigner aurait équivalu à priver les autres de manger ? De quoi se rappellent ceux qui pensent que les étudiants font la belle vie, qu’ils devraient payer, parce qu’ailleurs, ça coûte plus cher ? Savent-ils que si leurs grands-parents ont une sixième année, ce n’est pas nécessairement par choix ? De quoi se souviennent ceux qui trouvent que les syndicalistes sont des chialeux qui se pognent le cul à longueur de journée ? Ont-ils oublié ces générations de travailleurs qui se sont tués dans des usines pour des salaires de crève-faim en léchant les pieds du contremaître de peur d’être congédiés du jour au lendemain, de se retrouver devant rien ? De quoi se souviennent les machos qui crient haut et fort que les féministes sont des lesbiennes mal baisées ? Se rappellent-ils d’une époque pas si lointaine où les femmes n’avaient pas le droit de vote ? Pire, se souviennent-ils de ces femmes à qui l’on a accordé le droit de voter comme leur mari ? Savent-ils qu’au Québec, c’était en 1940 ? Réalisent-ils que les événements de polytechnique, c’était en 1989, et que la mort de ces 14 femmes n’est pas le fruit du hasard, mais bien une manière de leur signifier qu’elles n’étaient pas à leur place dans ce monde d’hommes ?
J’entends au loin, même pas si loin, l’insulte suprême du Québec contemporain : je ne suis qu’une gauchiste complètement manipulée par la propagande artistico-syndicaliste, je lis trop le Voir, je regarde trop Guy A. et sa clique du plateau, Speak White me monte à la tête avec 40 ans de retard, Loco Locass fait bourdonner mes oreilles de souverainiste, je perds tout jugement critique. Eh bien je me confesse, moi, gauchiste finie, j’ai parfois parlé contre les féministes. Il m’arrive de les trouver frustrées, de les considérer d’une autre époque, de m’imaginer que leur débat est dépassé et de croire, comme vous autres de la droite, qui vous trouvez si mal représentés médiatiquement et politiquement (!), qu’il est temps de passer à un autre appel. C’est que parfois, ceux qui revendiquent doivent le faire longtemps, se répéter, scander leur discours pendant des décennies, et finissent par être ridiculisés. Alors quand ils se voient accorder des droits, ils en demandent davantage, pas plus fous que les autres. C’est là que le discours dominant s’empare de leur image pour montrer les abus des symptomatiques opprimés-opprimeurs. Eh oui, à une époque, certaines féministes ont peut-être cherché à obtenir un traitement supérieur à celui que reçoivent les hommes plutôt que de revendiquer l’égalité. Ou alors, c’est ce que l’on a voulu nous faire croire. Peu importe, c’en était fini du mouvement : les opposants avaient désormais des arguments pour le détruire en bloc et le féminisme perdait ceux et celles qui, comme moi, auraient dû être ses alliés.
À mon avis, si un tel mouvement ne reçoit pas l’appui massif des jeunes femmes de ma génération, même pas celui des gauchistes, ce n’est pas parce que des impairs ont été commis. C’est parce que les médias, ceux-là même qui ne représentent pas suffisamment la droite selon certains, s’abreuvent aux sources du sensationnel et de l’extrême et nient l’existence de courants de pensée détachés d’un radicalisme constamment dénoncé.
Aujourd’hui, je refuse de commettre la même erreur que mes pairs et d’oublier tous les efforts qui ont été nécessaires à obtenir, au fond, si peu d’acquis. Je ne m’insurgerai pas contre les gais parce que certains ont tiré avantage de leur situation pour crier sans raison à la discrimination. Je ne me positionnerai pas contre les services publics parce que quelques individus ne savent pas s’en servir ou parce que d’autres en profitent. Je ne me prononcerai pas en faveur de l’augmentation des frais de scolarité sous prétexte que certains étudiants utilisent leurs prêts et bourses pour passer la semaine de relâche en Floride. Je ne m’emporterai pas contre les syndicats parce qu’il leur arrive de se plaindre la bouche pleine alors qu’ils se battent contre des multinationales à la bouche encore plus pleine. Et je ne parlerai pas contre le féminisme pour continuer de m’épiler les jambes en paix. Je vais plutôt me souvenir que le premier ministre de mon propre pays est contre l’avortement, en plus d’être contre les livres. Et qu’en sixième année, ce sont les petites filles qui se mettent à genoux pour faire des fellations dans les cours d’école pour avoir l’air cool, moderne, mature, tandis que ce sont les garçons qui le racontent à leurs amis en traitant les fillettes de salopes le lendemain, malheureusement pour les mêmes raisons. Est-ce vraiment différent, au fond, de voter comme son mari ? À bien y penser, le féminisme n’a peut-être pas fait assez dans ce monde tellement avancé, évolué, mais dans lequel plus ça change, plus c’est pareil.
Le féminisme en 2011
Par Gaétane Chabot
Le féminisme n’est pas un sujet très connu des jeunes. Pour moi, une femme qui a maintenant 59 ans, le féminisme a été un phénomène très important, apportant des changements de comportements entre les hommes et les femmes. Je dirais qu’aujourd’hui les relations entre les deux sexes sont peut-être plus difficiles pour les hommes, car les femmes n’acceptent plus n’importe quoi de la part de leur partenaire amoureux.
Il y a seulement un siècle, la femme n’avait aucun droit pour ainsi dire. Elle devait obéir à son père puis à son mari lorsqu’elle se mariait. Même les religieuses et les « vieilles filles » n’avaient pas de pouvoir car c’est le clergé de l’église catholique qui menait partout. Il n’est donc pas loin le temps où la femme perdait même son identité pour s’appeler madame untel Lapointe, par exemple.
La fonction de la femme mariée était d’abord d’avoir des enfants et de les élever religieusement avec peu d’égard pour sa santé ou ses aspirations personnelles. Certaines femmes ont bien vécu de cette façon mais ce n’était pas le cas de toutes. Elles étaient parfois mal « amanchées » avec un mari ivrogne, violent, incompréhensif…et le divorce n’était pas permis. On se mariait pour le meilleur et pour le pire, n’est-ce pas?
Je ne pense pas que les gens soient nécessairement plus heureux aujourd’hui du fait d’une plus grande liberté. Par contre, la violence est dénoncée : enfin! Il y a encore un équilibre à atteindre pour tous, une discipline à retrouver aussi, le respect à réapprendre d’où l’idée du retour au vouvoiement que personnellement j’aime bien.
Et ce que j’aime bien aujourd’hui, c’est la liberté de dire vraiment ce que l’on pense sans être jugé de façon négative. Cette façon de faire n’était pas commune il y a seulement 50 ans et moins pour les femmes.
Les femmes au 19e siècle et avant ne pouvaient pas devenir médecin, ni avocate, etc. En fait on disait que la femme était faible et ne pouvait « faire face » comme les hommes. Pourtant, ce sont elles qui portaient 10 à 15 enfants et qui devenaient sages-femmes, dans certains cas. Mais elles n’avaient aucun pouvoir.
En fait, c’est tout nouveau l’égalité. Même dans mon temps (1970-1975), c’est devenu une mode pour les hommes d’être ouverts à l’égalité de tous. En fait certains se disaient pour l’égalité mais plusieurs cachaient tout leur côté machiste. La femme-objet n’est pas encore totalement disparue de la circulation.
vendredi 4 mars 2011
L'affaire Cinar
Hier, Hasanain Panju et Lino Pasquale Matteo, deux personnes accusées de fraude dans l'affaire Cinar, ont comparu à Montréal. Ronald Weinberg et John Xanthoudakis font toujours l'objet d'un mandat d'arrestation, qui culmine à la suite d'une enquête de 7 ans de la Sûreté du Québec. Ils sont tous accusés d'avoir orchestré une fraude de 120 millions de dollars, transférés aux Bahamas.
L'entreprise Cinar est bien connue pour ses démêlés avec la justice. En 2009, elle a été reconnue coupable de plagiat contre l'auteur Claude Robinson, pour son oeuvre intitulée "Robinson Curiosité", rebaptisée "Robinson Sucroé". La cause, qui traînait déjà depuis 1996, a été portée en appel. La présumée victime savoure sa victoire en appréhendant la suite.
Imparfait, le système judiciaire est conçu pour donner la chance à tout le monde, ce qui retarde grandement le processus. Que ce soit une entreprise mal intentionnée comme Cinar qui a de bons avocats ou encore une organisation criminelle comme les Hells Angels qui parvient à prouver que ses clients ont le droit aux avocats de l'aide juridique, la justice montre des lacunes que le public dénonce avec raison.
Prenons l'exemple de la poursuite de Claude Robinson. Devant une entreprise qui a les moyens mais surtout l'avantage de ralentir les choses, un seul individu n'y peut rien. Ainsi, sans l'aide d'un groupe de soutien, Claude Robinson n'aurait pas pu se rendre si loin. D'ailleurs, je vous invite à faire un tour sur le site.
Malheureusement, le système de justice peut difficilement être amélioré. La seule façon, c'est de mettre plus d'argent public dans l'aide juridique et la Couronne, objectif raté par le gouvernement Charest. Mais même à ça, de nombreux criminels peuvent en abuser. D'ailleurs, le Québec a un taux d'acquittement quatre plus élevé que dans le reste du Canada, à cause principalement du manque de budget dans le système.
D'un autre côté, c'est dommage, mais il ne faut pas rendre trop accessible le système judiciaire, car ce dernier sera inondé de cas plus ou moins importants. On n'a donc pas le choix d'espérer des levées de fonds pour les cas qui en valent le coup, comme celui de Claude Robinson, qui a montré beaucoup de courage.
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