jeudi 16 septembre 2010

Les mains dans la carte électorale


Aujourd'hui, je vais vous parler d'un sujet qui n'intéresse pas tellement les urbains de Québec et de Montréal, mais qui met le feu aux poudres dans les régions. Ces jours-ci, la Commission de la représentation électorale, présidée par Marcel Blanchet, Directeur général des élections, comparaît devant un comité de l'Assemblée nationale. Elle discute de la refonte de la carte électorale, en vertu d'une loi qui la prévoit et la rend obligatoire. En effet, à toutes les deux élections générales, les 125 circonscriptions doivent être modifiées en fonction de l'évolution démographique. Le problème, et c'est un constat d'échec de l'occupation du territoire, c'est que les régions se vident au profit des grands centres. Chaque circonscription doit avoir en moyenne un certain nombre d'électeurs, donc il faut les adapter ou en faire disparaître.

Afin de respecter ce principe, Marcel Blanchet propose de faire disparaître trois circonscriptions, dans Chaudière-Appalaches, le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, et d'en ajouter trois dans le 450. Je vous épargne les détails, mais en résumé, les régions perdent trois représentants au profit de la banlieue de Montréal.

Même si je ne suis vraiment pas d'accord avec leur rhétorique, je comprends tout de même les élus des régions concernées de monter aux barricades, car il est vrai qu'ils n'ont pas beaucoup de pouvoir politique. C'est juste que je trouve indéfendable de s'opposer à ces changements, car ils sont prévus par la loi, qui tient compte du nombre d'électeurs et du principe des communautés naturelles (les électeurs de la même circonscription doivent avoir des points communs). Selon moi, la démocratie est simple : 1 électeur = 1 vote, peu importe l'endroit.

Ainsi, à toutes les deux élections, le DGE fait des consultations et des propositions afin de faire adopter les changements de circonscriptions. La prise de décision est relativement neutre, mais Marcel Blanchet est quand même ouvert aux propositions sensées. Par exemple, le fait d'inclure ou d'exclure un petit village d'une circonscription en tenant compte des caractéristiques des habitants.

Tout irait bien si les députés, qui sont évidemment juge et partie dans cette histoire, ne se mêlaient pas de ce qui ne les regarde pas. Car si la décision difficile incombe maintenant au Directeur général des élections, qui est indépendant du pouvoir politique, c'est justement pour éviter les conflits d'intérêts.

Qu'un député s'exprime au nom de ses électeurs, c'est une chose. Mais l'attitude de certains députés et ministres libéraux m'hérisse. En particulier, celle de Nathalie Normandeau, ministre responsable de la Gaspésie, est odieuse. Aujourd'hui, elle a qualifié le Directeur général des élections en des termes peu élogieux : " la carte électorale proposée par Monsieur Blanchet et son équipe est un constat d’échec, un cuisant échec pour notre société et pour l’institution qu’est le Directeur général des élections. " Elle a fait une crise d'hystérie devant Marcel Blanchet lors des audiences, comme si elle était son patron, ce qui n'est pas le cas.

Pour en ajouter, elle fait de la petite politique en accusant les partis de l'opposition (le PQ et l'ADQ, qui sont relativement neutres dans cette histoire, même si certains députés s'opposent farouchement à cette perte de poids pour les régions) de ne pas appuyer le Projet de loi 92, préparé par feu Claude Béchard, visant à imposer un nombre fixe de circonscriptions par région administrative. Il faut dire qu'à l'époque, Claude Béchard avait peur de se retrouver dans le même comté que Mario Dumont, chef de l'ADQ.

Cette attitude est un affront à la démocratie et témoigne d'un mépris envers les institutions démocratiques héritées de René Lévesque. En défendant bec et ongles un principe indéfendable, il est clair que Nathalie Normandeau prépare sa course à la chefferie, qui se tiendra lorsque Jean Charest n'aura plus les deux mains sur le volant...

2 commentaires:

  1. Ouin! Parler de constat d'échec ce n'est pas utiliser des «termes peu élogieux»! Elle ne s'est pas attaquée à la personne mais au résultat!

    Ensuite, que veut dire 1 électeur = 1 vote? Vous opposez ça à quoi? Parce que, si les circonscriptions demeurent telles quelles, ça ne changera rien à ce calcul, que je sache! Ce qui va changer, avec la refonte, et que vous semblez oublier, comme bien des urbains ou banlieusards, c'est qu'un village comme le mien verra le pied à terre de son député à 3 heures de route, plutôt qu'à 45 minutes!

    Si vous viviez en Gaspésie, vous sauriez que même si nous avions 50 comtés, nous n'aurions pas plus de pouvoir. Les décisions finales se prennent par des bureaucrates (et vlan pour la vraie démocratie). Alors le prétendu poids politique que perdent les centres urbains c'est de la bouillie pour les chats. Les bureaucrates vivant dans les villes, elles n'auraient que 2 députés que ça ne changerait pas grand chose.

    La démocratie est beaucoup plus menacée par d'autres situations, devant lesquelles ont ferme les yeux, que par le fait qu'on dise à un DGE qu'il est dans les patates. D'ailleurs, parlant de démocratie, ce sont justement des élus, pour qui des millions de citoyens ont voté, qui n'auraient pas le droit de parole? Curieux ce qu'on fait de la démocratie!

    Ceci étant dit, deux choses. D'abord, je suis d'accord avec le fait que ça nous prend des institutions qui soient indépendantes du pouvoir politique. Mais, quand ces institutions ressemblent à des robots - sans humanité - et qu'elles prennent des décisions techniques, sans réflexion, juste parce que c'est la loi, je me dis qu'on est devant un problème qui risque de s'envenimer.

    Ensuite, je ne défend pas ici Nathalie Normandeau. Je n'ai aucun parti politique.

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  2. Je me suis probablement mal exprimé, mais mon expression signifie tout simplement qu'il faut que chaque circonscription ait environ le même nombre d'électeurs. Sinon, les électeurs des comtés qui ont moins de gens ont plus de poids politique que ceux qui ont trop de monde, et ça fait que les régions ont trop de poids par rapport à la réalité démographique.

    Je suis conscient que les députés des régions ont beaucoup de chemin à faire, et aussi beaucoup de travail, si on compare à leurs collègues de l'Île de Montréal, mais ils ont quand même l'avantage de connaître la plupart de leurs concitoyens, ce qui diminue les chances de perdre leurs élections.

    Je ne serais pas contre le fait de créer une loi qui fixe une distance maximale pour une circonscription, mais ça doit rester une exception (comme aux Îles-de-la-Madeleine et peut-être un comté en Gaspésie).

    Sinon, je ne comprends pas pourquoi on fustige un fonctionnaire qui applique la loi. Si les libéraux ne sont pas contents, ils auraient dû y penser avant et changer la loi, comme me faisait remarquer un collègue aujourd'hui. Ils critiquent, mais en même temps, ils n'ont pas agi et même déclenché une élection pour remettre le débat à plus tard.

    Mais le vrai problème, c'est que les régions se vident rapidement. Il n'y a pas 10 000 solutions. Il faut des écoles postsecondaires en région et de bons emplois. Et pour ça, il faut leur donner plus d'autonomie avec des redevances sur les ressources naturelles, par exemple.

    Mais tous les pays de l'Occident sont confrontés à cette urbanisation. Les solutions ne sont pas nécessairement faciles. C'est encore pire au Canada avec l'étendue entre les centres urbains.

    Sinon, qu'est-ce que tu proposes? Voudrais-tu garder les comtés comme ils le sont actuellement, créer une loi spéciale sur l'aire des circonscriptions, faire une partie des propositions? Je vois que tu viens de Cap-Chat, tu dois connaître le pouls de la population.

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