jeudi 8 mars 2012

L'équité salariale

Par Marie-Ève Harrison

Dans le cadre de mon emploi actuel, j’ai été initiée aux notions entourant la Loi sur l’équité salariale, puisque nous avons dû en faire l’exercice afin de nous conformer à la Loi sur l’équité salariale, exercice désormais obligatoire depuis 2010. D’entrée de jeu, je croyais que l’équité salariale concernait l’équité entre les gens qui occupent des postes similaires. Ce n’est pas tout à fait cela. L’équité salariale consiste plutôt à « attribuer à des emplois traditionnellement occupés par des femmes un salaire égal à celui d'emplois traditionnellement occupés par des hommes, même si ces emplois sont différents, pourvu qu'ils soient de même valeur ou de valeur comparable dans l'entreprise. »

L’objectif de la loi est donc de reconnaître des aspects féminins du travail et de les payer en conséquence.

La grande question est de savoir comment établir des comparables sur lesquels se baser pour évaluer les écarts de salaire. Comme mon objectif n’est pas de vous expliquer les rouages de cette démarche, vous trouverez toutes les explications et les outils nécessaires sur le site de la Commission de l’équité salariale. Résumons toutefois la démarche en trois étapes : identifier les catégories d’emploi et leur prédominance sexuelle, évaluer les catégories en leur octroyant un pointage selon des critères établis (qualifications et efforts requis, responsabilités, etc.) et comparer les pointages. C’est l’écart entre les pointages qui déterminera si les catégories d’emplois ont été payées à leur juste valeur. Ce n’est pas un exercice de tout repos, mais le jeu en vaut la chandelle, et pas que sur le plan des remboursements! L’obligation de se conformer à la loi est un message clair : la discrimination entre les sexes au travail sur le plan du salaire n’est plus tolérée.

Est-ce à dire que nous pouvons maintenant nous asseoir sur nos lauriers et affirmer que les femmes sont égales aux hommes dans les milieux de travail ? Malheureusement pas, selon moi, car le salaire, ce n’est pas tout. Si nous pouvons établir des lois afin d’éliminer la discrimination basée sur le salaire, il est impossible de faire des lois pour empêcher la transmission de stéréotypes issus de nos perceptions, nos croyances, notre éducation.

Afin d’illustrer mes propos, réfléchissez à ceci: est-ce que ces paires de mots évoquent des réalités différentes ? Un serveur / une serveuse, un cuisinier / une cuisinière, un coiffeur / une coiffeuse, un enseignant / une enseignante. un mécanicien / une mécanicienne. Peut-être voyez-vous la même chose... de discussions que j’ai eues avec mon entourage, ce qui est loin d’être représentatif de la majorité (Dieu soit loué), j’en conviens, mais qui me permet de constater que certains stéréotypes semblent avoir la couenne dure, d’autres moins.

Vous serez peut-être surpris d’entendre que pour certaines personnes, un serveur est plus approprié dans un grand restaurant tandis qu’une serveuse a sa place dans un établissement plus familial ou bas de gamme. J’ai toutefois le sentiment que cette perception est en voie de disparition. Je ne sais pas si cette tradition est toujours aussi présente en France, mais au Québec, on constate une grande évolution. Même chose dans les cuisines: un cuisinier est parfois perçu comme un chef prestigieux, tandis qu’une cuisinière roule des tartes dans sa cuisine ou fait des buffets de petites sandwichs-salade de patates. Pourtant, on voit beaucoup de femmes aux commandes de cuisines de restaurant et d’émissions culinaires.

Pas besoin de feuilleter beaucoup de magazines féminins pour constater que les hommes ont une belle place sur les podiums internationaux. Être coiffeur serait peut-être plus prestigieux que coiffeuse ? La question est lancée. Par contre, un ami m’a confié que le terme coiffeur, pour lui, référait à un barbier.

Que penser de cette phrase entendue récemment, d’un parent d’un jeune de douze ans : « Enfin, mon gars a un prof homme, il va enfin avoir de la discipline. Tsé un homme, ça se fait plus respecter. » C’est ce genre de perception qui me fait peur. Pourquoi ? Parce que si elle est énoncée devant les enfants, elle ne peut qu’entretenir le stéréotype de la femme faible, ayant de la difficulté à gérer ses émotions et par conséquent sa classe.

Si on se fie à cette affirmation, un prof homme serait meilleur sur le plan de la gestion de classe. De même, il semble que les hommes qui enseignent au primaire soient une denrée rare : en plus d’enseigner différemment (mieux?), ils représentent une figure parentale plus ou moins présente dans certains foyers. Lorsque le père est absent, le prof homme doit-il courir à la rescousse? Non pas parce qu’il est compétent, mais bien parce que c’est un homme?

De même, après un sondage maison, les répondants considèrent que certains métiers devraient être réservés seulement aux femmes (éducatrice en CPE) et d’autres, seulement aux hommes (policier, pompier). Selon moi, l’égalité entre les sexes dans le travail demande d’aller au-delà des stéréotypes : une femme, c’est un être émotif, attentionné, patient, doux. Un homme, ça travaille physiquement, ça soulève de lourdes charges, c’est direct.

Nous avons la chance de vivre dans une société dans laquelle nous avons la liberté de choisir ce que nous voulons faire dans la vie. L’accès à l’éducation est (encore) possible pour tous, que l’on soit riche ou pauvre, homme ou femme. Nous pouvons faire un DEP en soudure, un DEC en éducation spécialisée, un baccalauréat en génie, en médecine, en éducation... Mon opinion est la suivante : dans la mesure où une personne répond aux conditions d’embauche et a la capacité de faire le travail, le sexe n’a absolument aucune importance.

La Loi sur l’équité salariale est un pas-de-géant dans l’établissement de l’égalité entre les sexes sur le plan du travail, un pas qu’il était nécessaire de franchir. Par contre, un obstacle majeur demeure : nous. Nous sommes le principal obstacle à l’atteinte d’une réelle égalité. Lorsque nous penserons à l’extérieur des modèles traditionnels établis, nous pourrons peut-être changer l’image de l’homme et de la femme au travail, les sortir de leur enveloppe stéréotypée et accepter de les voir ailleurs que dans leur rôles traditionnels.

1 commentaire:

  1. Pour plus d'information : http://SymbioseRH.net/equite-salariale/

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